On vous dit que tout va changer et vous acquiescez sans y croire vraiment. Vous faites un sourire entendu en croisant vos doigts dans votre dos, comme un préadolescent qui promet à sa mère d’être prudent.
Et tout change pourtant.
Quand nous voyageons ensemble, je voyage lourd. Un parc. Une poussette. Des couches. Des changes. Des jouets. Une pharmacie. Une armée de toutous. Nous voyageons lentement. Six heures pour faire la route entre les Laurentides et Québec et je ne comprends toujours pas où toutes ces heures sont passées…
Quand je voyage seule, je voyage lourd. Le coeur. La culpabilité, le sablier qui doucement m’enferme dans mes pensées. Je mets des oreilles de lapin sur mon image, et j’essaie de faire rire mon enfant qui me boude de son côté de l’écran.
La mère en moi est une marionnette dont tous les fils font des noeuds. Dans son garde-robe, son coffre à jouets, son petit pot, son sac à dos. Dans son poing qu’elle sert la nuit, parfois, autour de mes doigts.
Et je pars pourtant. Entravée, je pars. Monoparentale, je m’arrange et je pars.
Je suis les conseils. J’accepte l’aide. J’accueille les opportunités. Et je suis partie à Genève en ayant sincèrement envie, pour quelques jours, de me sentir libre à défaut de me sentir détachée. Mais au fond de ma plus intime valise je traînais avec moi un souvenir envahissant.
Dans ma chambre suisse, j’ai combattu une gastro de Gatineau en pensant que c’était un grand luxe d’être malade sans avoir à m’occuper de mon enfant.
Je bouge encore, mais plus rien n’est comme avant.